DÉCLARATION DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE NATIONALE DU CONGO
A l’issue de l’Assemblée Plénière Extraordinaire du 15 au 17 février 2018
1. Nous, Cardinal, Archevêques et Evêques, membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), réunis en Assemblée Plénière Extraordinaire à Kinshasa, du 15 au 17 février 2018, mus par la sollicitude pastorale à l’égard du Peuple congolais, partageons ses joies et ses espoirs, ses tristesses et ses angoisses (cf. Gaudium et Spes, n.1).
2. En moins de trois mois de notre dernière Assemblée Plénière Extraordinaire du 22 au 24 novembre 2017, nous nous sommes retrouvés encore une fois à cause de la persistance et de l’aggravation de la crise sociopolitique du pays.
3. Corps du Christ, l’Eglise n’est inféodée à aucune organisation politique. Sa seule préoccupation, c’est de contribuer au bien-être du Peuple congolais tout entier, à la sauvegarde et à la promotion de la dignité de la personne humaine, au respect de la vie, des libertés et des droits fondamentaux (cf. Gaudium et Spes, n. 76 §2).
4. Suite aux appels constants de la CENCO, nous observons, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, un éveil de conscience du Peuple congolais et sa détermination à prendre son destin en main. Constats douloureux
5. Alors que nous sommes censés nous préparer à la tenue des élections en vue d’une alternance pacifique au pouvoir, nous sommes profondément inquiétés par des faits très graves et des attitudes hostiles. Il s’agit notamment de :
1° La répression sanglante des marches pacifiques (le 31 décembre 2017 et le 21 janvier 2018) Pourquoi tant de morts, de blessés, d’arrestations, d’enlèvements, d’attaques des paroisses et des communautés ecclésiastiques, d’humiliations, de tortures, d’intimidations, de profanations des églises, d’interdictions de prier ? Quels crimes ont-ils commis, ces chrétiens et citoyens congolais qui, pacifiquement, réclamaient l’application intégrale de l’Accord du 31 décembre 2016 ? Nous condamnons vivement la violence sanglante avec laquelle ces deux marches ont été réprimées.
2° La campagne de dénigrement et de diffamation de l’Eglise catholique et sa hiérarchie La communauté tant nationale qu’internationale est témoin d’une série de campagnes d’intoxication, de dénigrement, voire de diffamation visant à affaiblir la force morale de l’Eglise, particulièrement de Son Eminence Laurent Cardinal MONSENGWO, et à détourner l’attention du Peuple de vrais enjeux. Nous réaffirmons notre soutien et notre proximité au Cardinal Archevêque de Kinshasa. Inébranlables dans notre foi en Jésus-Christ, Roi de l’univers, et fidèles à notre mission prophétique, nous n’abandonnerons jamais notre engagement pour l’avènement d’un Etat de droit en République Démocratique du Congo.
3° L’extension inquiétante des zones d’insécurité Nous sommes profondément préoccupés de voir s’étendre progressivement les zones d’insécurité dans différentes provinces. Comme récemment dans le Grand Kasaï, dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, en Ituri, la présence des assaillants qui sèment la mort et la désolation, fait penser à la mise en œuvre d’un plan d’occupation et de balkanisation constamment dénoncé. Dans les Provinces du Kwango et du Kwilu, la présence d’« éleveurs étranges » et armés avec leurs troupeaux de vaches entretient un climat d’inquiétude et d’insécurité au sein de la population. A ce stade du processus électoral, on est en droit de se demander : à qui profite cette déstabilisation du pays ?
4° L’Application sélective et biaisée des dispositions de l’Accord de la Saint-Sylvestre Peut-on prétendre se préparer aux élections apaisées et passer outre les dispositions de l’Accord de la Saint-Sylvestre qui en sont les préalables ? S’obstiner sur cette voie ne peut que conduire à des élections contestables et à de nouvelles crises. Nous en appelons au sens de responsabilité de tous et de chacun.
5° La polémique autour de la « machine à voter » Nous sommes perplexes du fait que le projet de la « machine à voter » lancé par la CENI ne fait pas l’unanimité de la classe politique et ne rassure pas la population. Ce fait augure la contestation des résultats. Recommandations
6°. La CENCO réaffirme l’urgence d’aller aux élections en 2018 et demande avec insistance l’application intégrale et effective des dispositions en souffrance de l’Accord de la Saint-Sylvestre, notamment : le parachèvement des mesures de décrispation du climat politique, la redynamisation de la CENI, les dispositions relatives au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC).
7°. Elle demande aux autorités compétentes de : § Annuler les édits interdisant les manifestations pacifiques, engager des poursuites judiciaires à l’encontre de ceux qui ont commis des actes délictueux à l’occasion des marches organisées par le Comité Laïc de Coordination (CLC) et prendre des dispositions appropriées pour encadrer les marches pacifiques, comme cela se fait sous d’autres cieux. § Arrêter les poursuites et les menaces à l’endroit des organisateurs des marches pacifiques qui n’ont fait qu’exercer leurs droits reconnus par la Constitution. § Rendre crédible et effective l’autorité de l’Etat pour sauvegarder l’intégrité du territoire national, protéger les frontières et assurer la sécurité de la population ainsi que de ses biens.
8°. La CENCO invite la CENI à lever l’équivoque et les suspicions autour de la « machine à voter » en acceptant sa certification par des experts nationaux et internationaux.
9°. Au Peuple congolais, la CENCO recommande de demeurer débout et vigilant, de prendre son destin en main notamment par la prière et par des initiatives de nature à barrer pacifiquement la route à toute tentative de confiscation ou de prise de pouvoir par des voies non démocratiques et anticonstitutionnelles.
10°. A la Communauté internationale, la CENCO demande de continuer à accompagner la République Démocratique du Congo dans le processus électoral et à placer le bien du Peuple congolais au-dessus de ses intérêts. Conclusion
11°. Nous rendons hommage aux morts, aux blessés, et exprimons notre proximité et compassion aux familles éprouvées par la perte des leurs durant les marches du 31 décembre 2017 et du 21 janvier 2018.
12°. La République Démocratique du Congo appartient à tous ses filles et fils ; c’est un droit et un devoir de tous de combattre tout ce qui peut hypothéquer son avenir. A dix mois des scrutins, nous en appelons, une fois de plus, à la responsabilité des personnes et des institutions chargées de la préparation et de l’organisation des élections pour l’intérêt supérieur de la Nation.
13°. Que par l’intercession de la Sainte Vierge Marie, Notre Dame du Congo et Reine de la paix, Dieu bénisse la République Démocratique du Congo et son Peuple.
Fait à Kinshasa, le 17 février 2018